vendredi 2 septembre 2011

Sky Burial

Dana Levin. Sky Burial. Copper Canyon Press, 2011

L'image dominante tout au long de Sky Burial est celle du cadavre dont la chair est éliminée jusqu'à ce que seuls les os demeurent; c'est aussi celle d'un passage. Dans son recueil, Dana Levin fait référence de façon explicite à un rituel tibétain, cet « enterrement dans le ciel » au cours duquel le corps, le sol glacé et rocheux ne permettant pas l'enterrement des morts, est emporté littéralement morceau par morceau par les vautours.

Lors d'une entrevue donnée en 2008 à The Kenyon Review, alors qu'elle écrivait Sky Burial, , Levin affirme que l'un des problèmes qu'elle confronte dans son œuvre est celui de la distance : « we have the luxury and will to keep the world out. » (Nous avons à la fois le luxe et la volonté de garder le monde à l'extérieur.) Ce qui est mis en jeu au cours de cette rencontre avec la mort — avec les morts eux-mêmes — c'est non seulement le vieil adage, connais-toi toi même, mais aussi, de façon plus importante, connais-les, eux, les morts. Lors de cette même entrevue, Levin parle des deuils qu'elle a elle-même eu à traverser : « My parents died within six months of each other in 2002, and this has impacted everything I'm working on. My mother's death, so soon after my father's, was particularly sudden, shocking, and unexpected. […] Astonishingly, just as I was feeling myself coming back to life, as it were, my sister passed away in the summer of '06, at the age of 46. (Mes parents sont morts tous deux en l'espace de six mois en 2002, et cela a eu un impact important sur mon travail d'écriture. La mort de ma mère, si tôt après celle de mon père, a été particulièrement soudaine, choquante et inattendue. […] De façon incroyable, alors que je me sentais à peine revenir à la vie, d'une certaine façon, ma soeur est décédée à l'été 2006, à l'âge de 46 ans.) Les morts, pour Levin, ne sont jamais des inconnus anonymes; la mort n'est jamais cette chose distante et abstraite. Ce dont elle nous parle, c'est de l'impermanence de ceux qui nous entourent, de notre propre finitude, refusant toujours de se détourner du monde matériel, de la présence physique des morts, de leur transition progressive d'un type d'existence vers une lente disparition. On ne sauve personne; notre désir de garder la mort à distance, de la repousser, se solde toujours par l'échec :
They took you in an ambulance even though you were dead,
They took you
and my sister said
Why are you saving her if she's dead?
Une attaque passionnée contre les horreurs de la filiation, White Tara est l'un des textes les plus puissants du recueil, alors que sujet de l'énonciation affronte sa mère décédée, son discours déchiré entre ce qu'elle peut dire et un innommable dont la transgression ne se fait qu'avec peine :
I hated her and then she died—
she died and then I
couldn't tell her it was all a lie—

Blood beading the perimeter
of an almond-shaped wound
as the eye of compassion slits through
Dans un autre poème, Pyro, l'auteure met deux univers en parallèle : celui, à la frontière de la mythologie, des funérailles viking, celles de guerriers morts que l'on envoie vers l'outre-monde dans un drakkar en flammes, et celui, plus familier et prosaïque, d'un pyromane qui brûle des animaux morts, les aspergeant d'essence et, à travers le brasier, les fait passer de notre monde à l'autre, d'un état de cadavre à une délivrance qui n'est jamais tout à fait d'ordre spirituel.
And you put it in a tire, your
viking boat,
you set it on fire and it kept afloat
as it sailed down the river—
to the heaven of not being
here.
Sans jamais trop s'éloigner de la matérialité de la mort, cette façon dont les morts nous sont présents de la manière la plus évidente, elle ne nous laisse pas oublier que ce qu'il y a de plus humain dans notre réaction face à la mort est peut-être cette mythologie même, la possibilité d'une survivance au sein de laquelle la destruction du cadavre n'est rien de plus que la transition d'une étape de l'existence vers la prochaine. Même si elle a recours à un certain exotisme des rites funéraires, de ce drakkar viking aux rite tibétains en passant par un temple shinto dédié aux fœtus avortés et aux enfants morts peu après leur naissance, Levin ne s'éloigne jamais du corps, de cette présence concrète. Elle nous rappelle qu'il s'agit là d'une vérité universelle, que personne ne survit, que l'on ne peut jamais être sauvés autrement que par un sursis des plus temporaires, que cette transition de la vie à la mort qui, pour le corps, prends le plus souvent la forme d'une lente décomposition, n'est jamais autre chose qu'une confrontation toute personnelle ne pouvant jamais être rendue tout à fait distincte de l'autobiographie sans perdre son essence propre, sans être réduite à une matérialité neutre, détachée.

Dans le poème This from That, l'image centrale est celle de la chrysalide, alors que la larve doit se détruire elle-même, se digérer littéralement pour se réduire à quelques cellules intactes, l'essence minimale de ce qui deviendra l'insecte adulte. Ce processus douloureux est le seul passage vers une vie au-delà du stade larvaire, pour le meilleur ou pour le pire. La destruction est la condition nécessaire de l'éclosion.
concerto notes
from finger-scales,
survivor guilt
from firestorms
apologies
from bombing runs

Through the open back door,
bending a petunia,
Papílío machaon
drinking deeply
and long
Ce passage, pour les humains, est aussi accompli par l'entremise du corps, comme dans Bardo, poème qui, comme le titre le suggère, est une variation sur le thème de la mythologie tibétaine — le tunnel à travers lequel les âmes quittent le monde matériel et effectuent leur migration vers l'au-delà. Pour Levin, de façon frappante, le corps lui-même devient le lieu de ce passage :
You push her shoulders back against the trunk of the tree,
her chest so cold it cracks—
so you can slip yourself through,
To the wood she's been walking,
wondering where the living have gone.
Dana Levin, née en 1965, est l'auteure de deux autres recueils de poésie : In The Surgical Theatre (1999) et Wedding Day (2005). En 2007, elle fut récipiendaire d'un Guggenheim Fellowship. Elle est professeure associée en création littéraire et en littérature au College of Santa Fe.

1 commentaire:

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